« Le reporter face au super-héros : un aventurier de notre temps ? », Presse et bande dessinée. Une aventure sans fin, Alexis Lévrier et Guillaume Pinson (dir.), Paris, Les Impressions Nouvelles, « Réflexions faites », 2021, p. 209-224. (obtenir l’ouvrage)
Clark Kent, chroniqueur privilégié de Superman : faut-il voir dans le choix de l’alter ego du premier super-héros des comics américains le signe que la profession de reporter entretient un lien particulier avec les figures surhumaines qui peuplent les univers de DC Comics et de Marvel ? Superman et Spider-Man sont deux héros iconiques des firmes DC et Marvel : leurs activités de journaliste et de reporter photo sont à la source aussi bien de leurs aventures extraordinaires que d’une grande part de leurs interactions personnelles, en tant qu’alter ego.
Néanmoins, la situation est plus nuancée. Les figures de journalistes font partie d’un continuum de rôles entourant les actions publiques des héros, occupant une place très variable selon le type de récit envisagé. De plus, la manière de les traiter a connu des évolutions notables en près de quatre-vingts ans d’édition : cela va du « meilleur ami » du héros, tel Jimmy Olsen pour Superman, au « meilleur ennemi », en la personne de J. Jonah Jameson, le directeur du Daily Bugle poursuivant Spider-Man de son ire, jusqu’à des personnalités et des récits plus complexes à partir des années 1980.
Nous tâchons de déterminer un faisceau de spécificités qui dessine dans les comics de super-héros une place un peu à part pour la figure du reporter. Celle-ci apparaît comme un instrument privilégié de remise en perspective du rôle des héros et de la portée de leurs actions au sein de la société, en introduisant la possibilité qu’un autre regard soit jeté sur les événements que la simple représentation qui en est faite via le récit dessiné, et en suggérant, voire en formulant, un discours critique sur ce que signifie exactement l’héroïsme dans un monde de super-héros.